I. Notre position par rapport au terrorisme
L’humanité vit aujourd’hui dans un monde interdépendant et interconnecté où l’interaction paisible et juste, incluant le dialogue inter et intra-religieux, devient impérative. Le fléau de l’extrémisme religieux et politique qui se manifeste sous plusieurs formes de violence, y compris, le terrorisme, constitue une grave menace pour nous tous aujourd’hui. En l’absence d’une définition universelle du ‘terrorisme’, il pourrait être défini comme tout acte de violence aveugle, commis par des individus, des groupes ou un état, qui vise des innocents.
En tant que musulmans, nous devons faire face à notre responsabilité de clarifier et de faire le plaidoyer pour un positionnement juste et moral, basé sur notre foi, concernant ce problème. Et ce, tout particulièrement, quand ces actes terroristes sont perpétrés au nom de l’Islam. Le but de cette brochure est de clarifier quelques aspects clés de cette problématique non pas à cause des pressions externes ou dans un souci de « bienséance politique » mais surtout du fait de notre intime conviction vis-à-vis de ce que l’Islam représente. A cette fin, le Conseil du Fiqh de l’Amérique du Nord (FCNA), un organisme de jurisprudence Islamique, a émit une ‘fatwa’ (avis religieux circonstancié) le 28 juillet 2005 qui confirme sa position sur ce sujet. Connue de longue date, elle était sans équivoque dans une condamnation du terrorisme en ces termes: L’Islam condamne sévèrement l’extrémisme religieux et l’utilisation de la violence contre des vies innocentes. Il n’y a, en Islam, aucune justification de l’extrémisme ou du terrorisme. Cette mise au point est guidée par le Coran, notre Livre de foi, ainsi que les enseignements du Prophète Muhammad – que la paix et la bénédiction soient sur lui – et confirme les principes religieux suivants :
– Tout acte de terrorisme, y compris ceux visant la vie et les propriétés des civils, fût-il perpétré par des attaques suicides ou autres est haram (interdit) en Islam.
– Il est haram pour un musulman de coopérer avec tout individu ou groupe engagé dans tout acte de terrorisme ou de violence interdite.
– Il est du devoir civique et religieux des musulmans de mettre en place des mesures concrètes pour protéger la vie des civils et d’assurer la sécurité ainsi que le bien-être de leurs concitoyens.
Récemment, des déclarations similaires contre le terrorisme ont été émises par les érudits et les leaders religieux au Royaume-Uni, au Canada ou encore en Australie.
Indépendamment de la légitimité des doléances liées à l’agression ou à l’oppression, le terrorisme incarne l’injustice même car il vise des innocents. La fin ne justifie pas les moyens et les civils innocents ne doivent jamais ni payer de leur vie pour les méfaits des autres ni être utilisés comme gages pour régler un conflit militaire ou politique. Les musulmans sont tenus de respecter la prohibition coranique de toute destruction de vies innocentes (Coran : 5:32; 17:33) : celle-ci est considérée comme un des péchés les plus graves en Islam. De plus, le Coran requiert clairement des musulmans qu’ils agissent en toute justice et impartialité, même quand ils traitent avec un ennemi (4:135; 5:8)
« O hommes ! Nous vous avons créé d’un homme et d’une femme, et Nous avons fait de vous des nations et des tribus, pour que vous vous entreconnaissiez. Le plus noble d’entre vous, auprès de Dieu, est le plus pieux. Dieu est certes Omniscient et Grand Connaisseur » (Coran 49:13)
II. La clarification des problèmes annexes
i. Le “Jihad” n’est pas l’équivalent du terrorisme.
Contrairement aux mauvaises perceptions et traductions courantes, le mot ‘jihad’ ne signifie pas guerre sainte ou guerre justifiée par des différences de convictions religieuses. L’équivalent arabe de « Guerre Sainte » n’est jamais mentionné dans le Coran. La guerre n’a rien de « saint » et elle est décrite dans le Coran comme un acte détestable (2:216). Le terme, jihad et ses dérivés, en arabique coranique signifie, littéralement, lutter et faire effort. Ces termes sont utilisés dans le Coran et les Hadiths (tradition prophétique) dans trois contextes très spécifiques : le premier concerne le jihad interne ou la lutte contre les inclinaisons malsaines à l’intérieur de soi-même (22:77-78), le second dans le contexte du ‘jihad social’ où l’on lutte pour la vérité, la justice, la bonté et la charité (25:52; 49:15) ; et enfin dans le contexte du champ de bataille, auquel est souvent fait référence dans le Coran comme qital (combat). Le jihad de combat est permis dans le Coran pour la défense de soi en cas d’agression non provoquée ou en guise de résistance contre une oppression sévère en matière de religion ou autre (2:190-194; 22: 39-41). Aucun verset du Coran, remis dans son propre contexte historique, ne permet la guerre contre d’autres sur la base de la foi, de l’ethnicité ou de la nationalité.
Des critères très stricts doivent être respectés avant d’initier tout jihad de combat. Pour commencer, comme tout acte détestable, une guerre ne peut être entreprise qu’en dernier ressort quand tous les autres moyens ont échoué. De plus, le jihad ne peut être déclaré au hasard par des individus ou des groupes mais plutôt par une autorité légitime après plusieurs consultations. Finalement, l’intention des musulmans engagés dans un jihad de combat doit être pure et non entachée par un agenda personnel ou nationaliste. Mais, y compris en situation de guerre, les enseignements du Prophète Muhammad (pssl) et du premier calife Abu Bakr ont posé des règles de conduite très claires sur le champ de bataille. Ainsi, cibler les non-combattants, particulièrement les personnes âgées, les enfants, les femmes, les civils non-armés et le clergé et détruire des infrastructures sont interdits (Sunan Abu Dawood Bab Al-Jihad); et Tareekh Al-Tabari)
Alors que la guerre ne doit être entreprise qu’en dernier ressort pour éviter un mal pire encore, la règle idéale et générale de la conduite d’un musulman est la co-existence pacifique avec les autres en bonté et en justice (60:8-9). En fait, le Coran reconnaît la pluralité des sociétés humaines, y compris la pluralité religieuse comme une partie du plan de la création de Dieu (10:19; 11:18-119). C’est pourquoi Dieu appelle à la paix et au dialogue dans le respect et non à la conversion forcée, que ce soit au travers de la guerre ou d’autres formes de contrainte (2:256; 3:64; 16:125; 29:46).
Il est inacceptable que les extrémistes et d’autres détracteurs de l’Islam dénaturent la vraie signification du mot jihad en propageant un mauvais concept à travers des expressions comme jihadistes, terrorisme islamique ou encore par des références abusives au jihad. De tels stéréotypes et l’utilisation de termes tels que le terrorisme islamique sont aussi injustes que de décrire Timothy McVeigh comme un terroriste chrétien ou de décrire l’explosion des cliniques d’avortement comme étant des actes de terrorisme chrétien. Durant l’histoire des musulmans, comme ce fut le cas avec des normes similaires dans d’autres sociétés et civilisations, les règles du jihad décrites ci-dessus furent violées à des moments différents et à des degrés divers. Toutefois le fait reste que l’enseignement de l’Islam ne doit être basé ni sur les actions passées ou présentes de quelques musulmans, ni sur les fausses interprétations passées ou présentes mais plutôt sur des principes moraux ancrés dans les sources islamiques originels et authentiques.
ii. L’Islam ne considère pas les personnes d’autres convictions religieuses comme des « infidèles » et ne fait pas de plaidoyer de violence à leur encontre.
Tout d’abord le terme « infidèle » se réfère à quelqu’un qui n’a aucune foi religieuse, à savoir un athée. Ce mot et sa signification sont totalement incompatibles avec la Révélation du Coran sur les Peuples du Livre, les Juifs et les Chrétiens, qui croient dans le même Dieu universel que les Musulmans (29:46). De plus, le terme « infidèle » n’est pas la traduction correcte du mot Coranique « kafir » qui signifie littéralement recouvrir ou rejeter (une croyance non-comparable à la sienne). Il est utilisé dans le Coran avec des significations contextuelles diverses: certains significations sont neutres, par exemple quand des fermiers sont appelés ‘kuffar’ puisqu’ils couvrent leurs graines de terre (57:20); certaines sont positives, comme le rejet ou la non-croyance en les idoles (2:256 ;60:4); certaines concernent le rejet de la foi en Dieu et d’autres, le rejet d’un certain Prophète confessant sa croyance en Dieu.
Ensuite, le Coran ne fait nulle part appel à la violence envers quelqu’un uniquement sur le fait qu’il/elle rejette l’Islam (2:256; 88:21-216; 6:107-108; 42:48). Tous les versets cités par les utilisateurs de l’approche ‘couper-coller’ pour clamer le contraire se réfèrent à des faits historiques de l’époque du Prophète (pssl), (9.5; 29,123) où des groupes et des nations de foi non-islamique s’étaient engagés dans des hostilités et des agressions envers une communauté musulmane naissante. La compréhension du contexte historique et l’analyse soigneuse du texte ne laissent planer aucun doute sur le fait que la permission de riposter n’avait rien à voir avec les convictions religieuses de ces groupes ou nations, mais était plutôt liée à leurs agressions et oppressions sévères: il s’agissait d’un impératif de sécurité pour un état. Même si certains musulmans ont enfreint ces limites claires et nettes, l’Islam ne justifie en aucun cas ces actions et par conséquent ne peut être blâmé pour celles-ci.
Finalement, c’est une stratégie malveillante et déroutante que de se focaliser exclusivement sur les versets du Coran concernant des éventualités d’auto-défense légitime et d’ignorer tous les autres versets consistants et répétés qui mettent l’accent sur le caractère sacré de la vie humaine (5:32), le respect de la dignité humaine (17:70) l’acceptation de la pluralité y compris celle des convictions religieuses (5:48; 11:118), la coexistence pacifique avec tous (60:8-9), la justice universelle et équitable même avec ses ennemis(4:135; 5:8), la confraternité universelle (49:13) et la miséricorde envers toute créature (21:107). Le Coran est un livre cohérent pris dans son ensemble et qui ne peut être interprété de façon fragmentaire.
Lire ici la brochure en entier.
Posted on June 3, 2007
0